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KANG HYO LEE
L'ESPRIT DU ONGGI

Par Dauphine Scalbert
pour La Revue de la Céramique et du Verre
juillet / aout 1999 (No. 107)


Kang-hyo Lee vit et travaille au milieu des collines de la province de Chunchong dans le centre de la Corée du Sud ; après avoir quitté la route principale, puis les petites routes entre les rizières et les champs, après avoir demandé plusieurs fois son chemin, on sait qu'on est bien arrivé en apercevant le toit pentu du four au-delà du dernier hameau, et l'on a change de rythme de vie. Le potier est chaleureux et joyeux, son sourire remercie le Visiteur d'être parvenu jusque chez lui. Peu de paroles, beaucoup de tranquillité.

L'atelier est orienté vers le sud et la lumière est douce sur les murs de cette maison construite de matériaux naturels, de bois et de torchis. Blanc, beige et brun sur les pots séchant sur les séchoirs. Un petit coin pour le thé est aménagé près de la fenêtre. La femme de Kang-hyo, céramiste elle aussi, a fait les. tasses céladon, elles sont fines et soignées, décorées d'engobe incrusté. C'est elle qui parle en souriant car lui est silencieux et réservé. Il semble jeune - n'a pas 40 ans - ce qui contraste avec la maturité de son travail ; et de fait, lors des expositions collectives, il expose avec ses aînés et plusieurs de ses pièces sont dans les musées en Corée et à l'étranger.
Il a préparé la licence du département de céramique de l'Université de Hongik à Séoul, puis est parti chez les potiers de onggi pendant trois ans pour apprendre avec détermination et modestie l'art de monter ces grandes jarres traditionnelles sur le tour à pied. Avec cet ancrage dans la poterie usuelle de son pays, transparaissent dans ses œuvres les particularités de l'esprit coréen, l'amour des matériaux et le rythme de vie en harmonie avec la nature.
Kang-hyo prend dans une grande jarre de l'argile pour tourner sous nos yeux admiratifs. Il pétrit encore une fois la terre , la frappe sur le sol, accroupi sur les talons, il est élastique et souple comme les colombins qui déjà s'étirent et s'allongent, sinueux comme des serpents ; il s’assied devant son tour, ayant à sa portée .La rangée de colombins, il aplatit sur la elle avec une batte de bois la galette de terre qui forme le fond du pot. Le pied droit qu'il ramène vers lui entraîne le tour d’un mouvement assez lent dans le sens des aiguilles de la montre, donc il travaille à la gauche du pot le très long colombin, retenu sur l'épaule droite, est fixé fermement sur la base: la phalange repliée de l'index intérieur soude en pinçant vers le bas, mouvement rythmé avec la paume de la main extérieure qui retient et s'imprime comme des vagues à la surface, Après avoir monté trois colombins sans humidifier la terre, il prend le battoir pour l'extérieur et la mailloche pour l'intérieur et, les frappant l'un contre l'autre d'un rythme très sûr, il amincit les parois en donnant son volume à la panse du pot. Trois rangs supplémentaires sont encore ajoutés sur cette paroi si mince, puis battoir et mailloche de résonner à nouveau d'un son mat; ces outils de potier paysan sont striés pour que leur surface ne colle pas à l'argile molle: battoirs gravés comme écorces d'arbres, pierres de montagnes, entrelacs végétaux ou géométriques, selon la fantaisie passagère de ceux qui les ont fabriqués. Kang-hyo laisse parfois sans la lisser leur texture imprimée à la surface de ses œuvres. Le potier tourne maintenant le rebord de cette grande pièce, l'humidifiant pour la première fois avec un morceau de toile épaisse ; rebord généreux et épais, aminci puis replié sur lui-même. C'est seulement après l'avoir terminé qu'il peut donner à 'son pot son ouverture et sa courbe finale au moyen de deux estèques très légèrement humidifiées.
Kang-hyo Lee reste très proche des potiers paysans dans ses formes et ses techniques auxquelles il adapte l'utilisation de l'engobe blanc sur l'argile ferrugineuse, mode de décor qui était représentatif de la céramique coréenne des XVè et XVIè siècles : le punch'ong offre une très grande variété de méthodes décoratives : par application au pinceau, le revêtement étant ensuite incisé ou non, par incrustation des dessins gravés, ou imprimés, par trempage et combinaison de deux ou trois de ces techniques...
Avec des outils et des matériaux simples et naturels, Kang-hyo achève de donner à ses œuvres personnelles un aspect chaleureux, direct et spontané. Ses jarres et ses vases, ayant séché jusqu'à la consistance du cuir, reçoivent un manteau d'engobe généreusement brossé comme une crème épaisse avec la paume de la main ou avec le pinceau-balai fait de paille de riz dure et drue qui dessine un peignage régulier très dynamique.

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Sur la surface encore humide et onctueuse, Lee aime tracer au doigt ce qui rappelle montagnes et nuages, ou herbes et rochers, ou arbres et ruisseaux ; l'abstraction sollicite ici très fortement le rêve. Les pots avec couvercles, munis de petites attaches ou anses, sont plus ou moins symétriques mais si expressifs quand tournés de guingois et quand se mêle à une texture imprimée avec le battoir, une couche d'engobe charnue. Les plats ont un aspect plus calme, leur décor est plus anecdotique, fleurs de lotus des bouddhistes, paysage tranquille ou motif floral, gravé sur la couche d'engobe à consistance de cuir. Une autre technique très courante de décor à Vengobe blanc, et que Lee utilise beaucoup sur ses bols, est celle de l'impression des sceaux de grès qu'il a finement ciselés dans l'argile, poissons, fleurs, idéogrammes chinois, abstractions géométriques. L'impression du sceau dans l'argile est recouverte de deux ou trois couches d'engobe puis, l'excédent gratté avec un tounassin bien aiguisé, le motif apparaît alors clairement sur le fond d'argile ferrugineuse.
Kang-hyo Lee fait venir deux types de terre depuis le sud de la Corée, région réputée pour la qualité de ses argiles qui sont depuis quelques années filtro-pressées, malaxées et emballées sur place puis distribuées dans tout le pays ainsi qu’au Japon. Mais à la différence de ses collègues, il les fait venir en vrac, les mélange et les pétrit sans les avoir filtrées pour conserver les variations de couleur et les impuretés qui donnent vie à la matière première. «Le plus important pour moi dans mon travail, dit-il, c'est la qualité de la terre. »
~ Les couvertes qu'il prépare sont composés de feldspath, d'argile et de cendres de chêne, de pin et de paille de riz. .Ses cuissons fortement réductrices font ressortir la couleur et l'éclat du fer que contient le tesson et qui anime les décors par contraste avec les revêtements blancs.
Dans son four à mazout, ou dans son four à bois à plusieurs chambres, Lee commence une forte réduction vers 950",puis réoxyde en fin de cuisson, pendant une vingtaine de minutes. Montres fusibles et pyromètre lui indiquent la température, mais les témoins placés près des regards et sortis en fin de cuisson indiquent la couleur de la terre et de la glaçure.
Dans l'œuvre de Kang-hyo Lee, on peut discerner son admiration et sa reconnaissance pour les potiers de onggi qui ont été si méprisés, puis oubliés. C'est chez eux qu'il a pourtant appris les techniques de fabrication et la vitalité des formes. Comme eux, il utilise le décor rapide avec les doigts. Les jarres utilitaires, après avoir été trempées crues dans les bassines d'émail, sont décorées d'un geste très rapide sur la surface encore mouillée, puis cuites en mono-cuisson.
Après que l'usage de ces poteries eut été remplacé par les frigidaires et l'industrie alimentaire, les jeunes ont exprimé leur curiosité pour cette tradition et le gouvernement a désigné «Trésor national vivant» trois de ces artisans des campagnes. Peut-être leur savoir-faire sera-t-il conservé si le gouvernement encourage maintenant la formation des jeunes à ce métier difficile.
L'expression personnelle de Kang-hyo Lee porte en elle les traditions et les racines paysannes, ainsi que la précieuse vitalité primitive qui donne une vision de la nature et de ses origines rurales au public citadin bousculé par le tourbillon de la vie moderne.

Dauphine Scalbert