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KIM LE POTIER
Par Dauphine Scalbert
pour La Revue de la Céramique et du Verre
mai/juin 1995 (N°82)


Depuis Mungyong, il faut s'enfoncer dans une longue vallée étroite, par une route poussiéreuse, pour arriver à Kaipyong, village paisible s'il en est ; sa vieille pagode dans la cour de l'école et ses statues bouddhistes usées par la pluie dans les champs alentour. Il faut encore rouler sur un chemin cahoteux, puis monter à pied par un sentier caché, jusque chez le potier Kim. Au détour du sentier, apparaît le toit en pente du four, et c'est là.

Mes visites à Kaipyong avaient lieu en automne, quand le ciel d'Orient est d'un bleu si profond que tous les cœurs sont sereins et que les collines emmagasinent encore la chaleur de l'été. Maître Kim est un homme au regard limpide et au sourire confiant, qui fait des pots quand les travaux des champs lui en laissent le loisir, dans l'atelier du grand-père de son grand-père ; les mêmes pots qu'autrefois, avec les mêmes matériaux qu'il apporte sur son dos et qu'il prépare sans l'aide d'aucune machine, car aucune machine n'est jamais arrivée dans ce lieu reculé. Les mêmes pots qu'a loués Yanagi car ils sont près de l'Ame et que la Nature en offre les matières premières à même le sol, à celui qui a appris à les discerner avec l'intuition que lui ont transmise ses ancêtres.
Maître Kim tourne l'argile que lui prépare son frère, dans son atelier de terre battue et de chaume. Sur Yondol, le sol chauffé par l'ingénieux système millénaire en Corée, sèchent les séries de bols, de bouteilles pour servir l'alcool, d'encriers pour frotter la pierre à encre, de vases ronds et pansus. Ils sont enduits d'engobe au pinceau, d'une manière rapide et généreuse, sans préoccupation pour le résultat Kim et son frère dessinent sur les bouteilles quelques herbes, sur les petits vases quelques volutes, sur les plus grands vases des dragons enfantins, des tigres charmants (le tigre est craint et vénéré comme symbole de l'esprit coréen), à l'oxyde de fer. Les émaux et oxydes dont le potier se sert viennent des montagnes voisines et sont broyés avec un pilon ensarté dan"s la poutre qui se soulève et s'abaisse avec le poids de l'homme actionnant ce rustique balancier. Maître Kim cuit son four à cinq chambres trois fois par an, pose les pots sur un support saupoudré de sable grossier, lequel témoigne comme signature de la montagne à la base des pièces.

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Point de plaques d'enfournement. Je pense que le produit de ce four n'a guère changé depuis deux cents ans ; le seul livre que possède ce potier est un catalogue jauni et corné des poteries de la Dynastie Yi au Musée National de Séoul.
La clientèle n'est ni locale ni rurale et malgré la distance, les meilleurs acheteurs sont encore les adeptes de la cérémonie du thé au Japon ; ainsi Maître Kim emporte-t-il de temps en temps quelques caisses de bols avec lesquels il traverse le détroit de Corée en ferry-boat. Le prix de ses œuvres est multiplié par quatre de l'autre côté de la mer ; les Japonais comprennent que le paysan coréen travaille avec une ardeur et un style exempt de toute sophistication. La beauté surgit entre ses mains car il ne la recherche pas mais se contente de l'accepter.
Lors de ma dernière visite à Kaipyong, je ne trouvais point Maître Kim ; son frère, resté avec les bêtes, me donna la nouvelle adresse du four dans un faubourg de Mungyong. C'est là qu'ils l'ont construit, sans plan aucun mais peut-être de la même façon qu'un escargot construit sa coquille autour de l'espace vital. Un four rondouillard à trois chambres, le plus amical que j'aie jamais vu. Que deviendront dans la ville de Mungyong les tigres et les dragons des pots de Kim au cœur de la Corée ? L'expression du potier sur le flanc d'une colline perdue deviendra celle de l'habitant d'un faubourg citadin...

Dauphine Scalbert